Ce qu’ils en disent
André Breton
Le texte qui suit reproduit des extraits d’un document qu’un ami surréaliste nous a communiqué, accompagné d’un petit mot disant : « Voici l’article qui résume les rapports (embryonnaires) entre Breton, le surréalisme et le zen. Intéressant quand même… Le signataire (J.E.) s’appelle Jun Ebara ; ‘écrivain, Tokyo, Paris’ est-il mentionné au sommaire. Je ne crois pas qu’il ait fait partie du groupe surréaliste japonais, dans la mesure où il ne figure pas lui-même (en tant qu »article’) dans ce dictionnaire, qui s’appelle d’ailleurs Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs (sous le direction d’Adam Bois et René Passeron) P.U.F. 1982. »
ZEN Dans une interview accordée à José M. Valverde, à Madrid, en septembre 1950, Breton dit ceci : « Il est aujourd’hui bien connu que le surréalisme ne s’est proposé rien tant que de faire franchir à l’esprit la barrière que lui opposent les antinomies de l’ordre action et rêve, raison et folie, sensation et représentation, etc., qui constituent l’obstacle majeur de la pensée occidentale. Dans son effort continu en ce sens, il n’a cessé d’évaluer les appuis qu’il trouvait dans la dialectique d’Héraclite et de Hegel (…), aussi bien que dans le rapport ‘yin-yang’ de la pensée chinoise et son aboutissement dans la philosophie zen. »
(…) On trouve deux citations faites par Breton dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme de 1938 concernant le zen : « Regardant la mer sillonnée de bateaux, le bonze Kanguen demanda à son disciple Daichi : ‘Pourriez-vous arrêter de votre chambre la marche de ces bateaux?’ Le jeune disciple ferma le shoji (rideau). Le maître dit alors : ‘Tout de même, vous n’auriez pu arrêter ce bateau si vous n’aviez pas de main.’ Le jeune disciple ferma les yeux. » (P. 4, « Bateau »)
« O vous, disciples qui aspirez à la vérité, si vous désirez obtenir une connaissance orthodoxe du zen, prenez garde de vous tromper vous-mêmes. Ne tolérez aucun obstacle à la montée de votre esprit, ni extérieur ni intérieur. Si, sur votre chemin, vous rencontrez Bouddha, tuez-le! Si vous rencontrez les Patriarches, tuez-les! Si vous rencontrez les Saints, tuez-les! C’est la seule façon d’arriver au salut! (Rinzai). » (P. 30, « Zen »)
(…) Dans les Prolégomènes à un troisième Manifeste du Surréalisme ou non, André Breton mentionne la « cérémonie du thé » et la « culture d’indifférence » pour souligner la nécessité d’une synthèse dialectique entre l’esprit d’indifférence et celui du « risque », pour l’amélioration sociale. Cette mention prouve sa lecture du livre de Tenshin Okakura (1862-1913, ami de Rabindranath Tagore, poète indien, prix Nobel 1913, premier introducteur de la culture japonaise aux États-Unis et en Europe) : L’idéal de l’Orient (1903, en anglais) et Le livre du thé (1906, en anglais). Ainsi, André Breton laissa à ses adeptes à venir le soin d’approfondir la connaissance du zen et de l’intégrer dans la perspective surréaliste pour la liberté absolue.
J.E.